Biographie

Hommage à un Styliste Designer, Sculpteur, oublié de l’Histoire

<—  A la sortie de chacune d’elles, on crie au génie!

Quelles sont donc ces voitures révolutionnaires?

Des Citroën bien sûr! Oui mais qui les a dessinées, façonnées et sculptées? Aucun nom ne vient à l’esprit! Qui est donc à l’origine de la ligne de ces fameuses automobiles qui ont tellement marqué leur époque?

Il s’agit de Flaminio Bertoni .


Pendant plus de trente ans, il façonna et sculpta l’image des véhicules au double chevron.

Il repose depuis 1964 au cimetière d’Antony (92 – Paris sud).

C’est des mains de ce sculpteur, promu Chevalier des arts et des lettres par André Malraux, que naquirent ces carrosseries présentes dans nos esprits, voire dans nos cœurs et qui émerveillent toujours «petits et grands».

Au début du siècle dernier, seule une élite pouvait se permettre d’acquérir une automobile, dont les performances reflétaient le niveau social de ses propriétaires. En ce temps-là, la technique est mise en avant, reléguant au second plan le « Style ». Une âpre compétition fait rage entre les nombreux constructeurs d’automobiles. Pour leur clientèle, vitesse et puissance sont les premières motivations d’achat.

Néanmoins, quelques industriels parient sur l’avenir de l’automobile grand public, afin d’offrir à leurs contemporains la possibilité de conduire. Une seule alternative : la réduction des coûts de fabrication engendrés par une production de masse. André Citroën, élève d’Henry Ford est de ceux-là. Visionnaire, il a également compris l’importance de «l’esthétisme» automobile.

Flaminio Bertoni est embauché aux usines d’André Citroën en 1932, où il prend rapidement la direction du service du « Style » de la grande marque automobile, qu’il gardera jusqu’à sa mort en 1964.

Pendant plus de trente ans, il va façonner l’image des véhicules au double chevron.

Cet homme hors du commun et aux talents multiples est né le 10 Janvier 1903, à Varèse en Italie. Issu d’une famille modeste, son père est tailleur et sa mère fait les ménages. Bon élève, il grandit sans histoires, passant ses examens primaires avec succès.

A la mort de son père, Flaminio qui a alors quinze ans, entre en apprentissage à la carrosserie Macchi. Il débute à l’atelier de menuiserie puis à celui de ferblanterie apprenant ainsi le travail de la tôle.

Très vite, il se fait remarquer par ses dons de dessinateur, occupant ses loisirs à dessiner. Il s’inscrit à l’école des Beaux Arts de Varèse pour se perfectionner au dessin artistique et à la sculpture, sous la direction de son maître Giuseppe Talamoni.

Il commence alors le modelage de la première maquette d’automobile, futuriste, qui ne verra jamais le jour.

Sa grande habileté le fait remarquer à l’automne 1922, par une délégation française de techniciens, en visite à l’usine Macchi où il travaille. Bertoni se voit offrir un voyage d’étude en France, à Paris. Imaginons la joie de ce jeune italien qui accepte avec enthousiasme et qui sait qu’il ne faut pas laisser passer cette chance.

Arrivé à Paris au début 1923, il est embauché successivement aux carrosseries Felbert, puis Manessius, et enfin pour une année entière chez Rothschild où il rencontre Lucien Rosengart grand ami d’André Citroën. Flaminio est devenu un carrossier averti et accompli, sachant tout calculer et prévoir les impératifs techniques. Sa mère souffrante et le mal du pays le font repartir au pays à Varèse, et il réintègre la carrosserie Macchi mais cette fois-ci avec la qualification de dessinateur de premier degré.

A Paris, où il a perfectionné ses connaissances techniques, Bertoni a également découvert les artistes italiens au Louvre, en particulier les œuvres de Raphaël et de Léonard de Vinci.

De retour en Italie, il parcourt son pays à la poursuite de toutes les formes artistiques, il absorbe tout : peinture, sculpture, et ouvre même un atelier d’art, où il reçoit des modèles et de nombreux artistes varésiens.

En 1929, il démissionne de chez Macchi, car il ne se sent pas considéré à sa juste valeur. Il monte alors son propre bureau de style où il crée toutes sortes de modèles de carrosseries.

Plus libre de son temps, Bertoni participe à de nombreuses expositions artistiques.

Mais il continue à rêver à la France et c’est en compagnie de celle qui allait devenir la mère de son premier enfant qu’il retourne de nouveau à Paris le 2 octobre 1931.

Grâce à un ami, Flaminio retrouve de suite du travail. Il entre à la Sical (Société Industrielle de carrosserie de Levallois Perret) qui fabrique en sous-traitance des carrosseries pour Citroën.

Remarqué par un ingénieur du bureau des études Citroën, il est rapidement embauché le 27 juin 1932 au Quai de Javel.

Il ne se doute alors pas qu’il va y rester toute sa vie et marquer de son empreinte géniale, les principaux modèles de la marque:

Traction Avant – 2CV – DS – Ami 6

A son arrivée dans le service carrosserie dirigé par l’ingénieur Cuinet, le projet « V » était techniquement avancé : la future Citroën sera monocoque tout acier sans châssis, et tractée par ses roues avant, en totale avant garde sur son temps. Mais personne n’a idée de la forme qu’elle aura. Trois dessins de l’équipe carrosserie sont présentés à André Citroën, qui les refuse tous.

La grande manifestation du génie de Bertoni a lieu au début du printemps 1933, quand il en sculpte la carrosserie. Du « dessin plan », il vient d’inventer le maquettage volumique en trois dimensions. Sa création provoque l’enthousiasme d’André Citroën et de sa femme, qui lui donne toujours son avis.

La ‘Traction Avant’ est née et sa mise en série aussitôt ordonnée. Cette «reine de la route» allait être construite pendant vingt trois ans de 1934 à 1957.

Mais avec la mise au point difficile de la berline Traction avant et l’endettement dû aux lourds investissements pour produire cette révolutionnaire voiture, la Société Citroën est mise en liquidation. L’usine du Quai de Javel est reprise par Michelin fin d’année 1934. Ulcéré, André Citroën meurt quelques mois plus tard.

Parallèlement à ces sombres événements, Bertoni travaille avec ardeur dans son atelier d’artiste et se fait remarquer à la IVème Exposition des Beaux Arts où il expose et obtient la médaille de bronze. L’année suivante il obtient même l’argent .

Avec l’arrivée de Pierre Boulanger aux commandes du bureau d’études des automobiles Citroën, un plan drastique est mis en place et permet le redressement de la situation.

Les défauts de jeunesse de la traction sont gommés et Bertoni est chargé d’étoffer la gamme par des versions coupé, cabriolet, berline familiale, chacune équipée par plusieurs motorisations : 7, 11 et 15CV.

L’affaire redevenant rentable, Bertoni prend part aux projets futurs de la marque au double chevron : La TPV (Très Petite Voiture) et VGD (Voiture à Grande Diffusion). La première deviendra par la suite la 2CV et la seconde la DS. Mais ces projets ne verront le jour qu’après d’autres événements tragiques : la seconde guerre mondiale.

Durant cette période, Flaminio reste créatif, il prend part à de nombreuses expositions artistiques en France comme en Italie, tout en continuant à travailler en grand secret sur les projets de Citroën, persuadé que l’occupation allemande ne serait pas éternelle.

Et c’est la 2CV qui la première est présentée au grand public lors du Salon de l’Auto de 1948, faisant l’objet de moqueries tant de la part du public que des autres constructeurs automobiles. Mais les carnets de commandes sont rapidement remplis et les délais de livraison allant jusqu’à cinq années d’attente!

Puis même succès pour la DS surnommée «la bombe» au Salon de l’Auto de 1955. Une ligne audacieuse et futuriste jamais imaginée pour l’époque, issue d’un « morphisme » entre un poisson et une voiture. Deux années plus tard, Citroën reçoit le prix d’honneur à la Triennale d’art et d’esthétique de Milan. Une consécration pour Bertoni!

Autre reconnaissance: le Général de Gaulle déjà conquis par la Traction Avant, l’adopte comme voiture officielle de l’Elysée et elle le restera pendant plus de vingt ans.

Alors qu’il vient juste de construire son atelier à Antony près de Paris (92), son talent d’artiste sculpteur, peintre et architecte est officiellement reconnu. En 1961, André Malraux, ministre des affaires culturelles le fait Chevalier des Arts et des Lettres .

Cette même année commence la carrière de la dernière née des automobiles Citroën : l’Ami 6 avec sa typique lunette arrière inversée en forme de «Z».

Trois ans plus tard alors qu’il travaille sur le projet d’un coupé DS «sport», il est pris d’un ictus qui le foudroie à l’âge de 61 ans.

Bertoni laisse une œuvre artistique grandiose dont la majeure partie est conservée chez son fils , à Varese en Italie. Cette collection de plus d’une centaine de pièces y est présentée  au musée de la ville natale de Bertoni afin de rendre hommage à cet homme aux mille talents, père de la ligne de l’objet élu à Londres fin 1999 par un Jury international de sommités en la matière:

«Meilleur Objet Design mondial du XXème siècle»:
La Citroën DS
.

Photos:
archives personnelles de Léonardo Bertoni,
fondation Charles de Gaulle,
Automobiles Citroën.

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